L'actualité de demain : VOILÀ POURQUOI VOTRE FILLE EST MUETTE, par François Leclerc

Billet invité.

Le Center of risk management de l’université de Lausanne a le 30 août dernier publié une étude de la situation des banques et assureurs européens en application de sa méthodologie ; elle converge avec celles qui circulent déjà en chiffrant le montant du renforcement de leurs fonds propres à 1.000 milliards d’euros. Mais les banques françaises ne sont pas à la fête, conduisant Jean-Marc Daniel, professeur à l’École supérieure de commerce de Paris (ESCP Europe), à prendre ses distances avec ce sombre diagnostic en délivrant sa propre analyse.

En trois points, tout est dit : « les banques françaises manquent de fonds propres parce que leur croissance a été très rapide » ; elles rencontrent des problèmes d’illiquidité et non de solvabilité, car « par nature une banque ne prête qu’aux riches » ; « il faut toutefois se mettre dans l’idée que si on veut protéger les dépôts en considérant que l’usager des banques n’a pas pleinement conscience de la nature du lien qui l’unit à sa banque [son statut de créancier], il faut demander aux banques de renforcer leurs fonds propres. »

Comment y parvenir ? la solution est toute trouvée : « le problème en France, c’est que contrairement à ce que croient la population et les autorités, nous manquons d’épargne, manque que mesure notre déficit extérieur ». Logiquement, Jean-Marc Daniel en conclut qu’il faudrait créer des fonds de pension pour y suppléer en drainant l’épargne des particuliers. Ceux-ci passeraient, si on le suit bien, du statut de déposant-créancier à celui d’investisseur-créancier, ce qui on en conviendra change tout.

Les banques souhaitent développer des sources de financement long afin de diminuer leur dépendance aux aléas des financements courts. La BCE, il est vrai, ne sera pas là éternellement pour les y aider. D’un autre côté, les fonds de pension – ainsi que les assurances santé – cherchent des placements longs. Ils sont donc les uns et les autres fait pour s’entendre, ces derniers étant des clients rêvés pour les émissions de dette des banques, obligations contingentes convertibles (CoCos) ou titres super-subordonnés (TSDI). Le Crédit agricole se lance à propos dans l’émission des premières et la Société générale des secondes. Changement de décor, les compagnies d’assurance vont venir conforter les banques (et prendre leur part de risque).

On rendra grâce à Jean-Marc Daniel pour ses conclusions qui éclairent l’importance prioritaire accordée aux déficits de la sécurité sociale et du système de retraite par répartition, ainsi qu’à la solution qui consiste à promouvoir une captation de l’épargne des particuliers afin de renforcer les banques. Cela vaut mieux, en effet, que de s’adresser à eux en tant que contribuables, et c’est plus confortable pour leurs actionnaires.

Voila toute tracée la route qui permettra aux banques de s’endetter davantage et aux États de faire le chemin contraire. La réduction de la bulle de l’endettement pourra être ainsi contenue, et les intérêts continuer à tomber. Restera à remettre en marche la machine à produire de la dette : c’est BNP Paribas qui en France s’y colle avec un premier programme de titrisation.